Un dur réveil [PV: Katherine]

Appartement de Matthias 4h54 Am

C’est au beau milieu de la nuit que le scénario typique, auquel Matthias avait droit, se répéta. Le medium avait fermé l’œil à peine deux heures…deux heures trente tout au plus, arrivant à vaincre son insomnie. Mais ce miracle, dû à une trop grande fatigue, avorta d’une sordide façon. Le jeune homme avait généralement le sommeil léger; un rien pouvait sortir le mécanicien du monde des songes. Son anxiété et son habitude à rester sur ses gardes lui donnèrent cet encombrant sixième sens. Cette nuit, ce qui le tira des bras de Morphée n’était autre que les miaulements des chats faisant leurs grabuges dans la ruelle adjacente. Ils avaient sans doute réussit à percer les sacs à ordures qui trainait sous l’escalier de secours. Cette banalité fut néanmoins suffisante pour réveiller Matthias qui se doutait du mal qu’il aurait à se rendormir. Il ouvrit donc les yeux péniblement et pris la dure décision de quitter son lit. L’appartement du solitaire était plongé dans le noir, ce qui ne paru pas gêner le jeune Hawkins qui regrettait déjà d’être sorti de sous les couvertures. Il s’était tout bonnement contenter de se diriger vers la porte vitré menant au balcon, qu’il avait laissé ouverte pour faire circuler un peu d’air frais. À sa grande surprise, un de ces vilains félins lui faisait face à l’extérieur. En tant normal il ne s’en serait pas soucié, mais il remarqua bien vite que ce matou avait quelques choses de bien étrange. Le regard de Matthias rencontra inévitablement celui de la bête qui recula aussitôt, le poil hérissé et crachant sa haine - quelques chose ne tournait pas rond. C’est en regardant l’animal un peu plus attentivement que le medium cru pouvoir confirmer ses doutes. Les yeux vitreux, une fourrure humide, sale et les os manifestement brisés…Instinctivement Matthias ferma la porte et tira maladroitement les rideaux avant de se reculer. Qu’est-ce que le chat de la voisine pouvait bien faire là…!
Un murmure sinistre se fit entendre derrière lui; en fait, le jeune homme avait la nette impression que celui qui l’avait prononcé se trouvait à moins d’un mètre. Ravalant difficilement sa salive, Matthias se retourna courageusement pour faire face à son visiteur. Un ombre difforme et menaçante était visible uniquement grâce à la lumière des astres qui arrivaient encore à éclairer difficilement la petite chambre. L’entité se trouvait à environs trois mètre et se balançait anormalement, en plus de démontrer quelques tics évident – un « spectacle » familier pour le solitaire qui ne s’y habituerait pourtant jamais. Avec cette soudaine apparition, le mécanicien voyait déjà l’énigme résolue. Malgré sa crainte évidente, Matthias pris les devants;

- C’est toi? Le chat et ensuite l’incident dans la forêt? C’était déjà tout orchestré pas vrai?

Un rire sombre et grinçant perça le silence, alors que le jeune Hawkins alluma la lampe de chevet se trouvant tout près de lui. La lumière tamisée éclairait désormais une bonne partie de la pièce rassurant un tout petit peu, du même coup, le pauvre insomniaque. L’ombre inquiétante se trouvait maintenant dans l’un des coins les moins éclairé de la chambre. Il s’agissait de nul autre que McKay. Cependant, il faisait maintenant suffisamment clair pour discerner les traits de l’esprit malintentionné. Le fantôme en question était assez grand et mince, bien que l’ombre qu’il projetait était beaucoup plus maigre qu’en réalité. Il avait un teint livide à un point tel que l’on pouvait discerner sans problème des veines sombre sous sa peau. Il avait autrefois mené une vie malsaine et son apparence le laissait voir par le biais, entre autre, de ses nombreuses equimauses et coupures.

- Oui je l’admets, s’était plus fort que moi. Un déplaisant sourire apparut à ses lèvres, ce qui n’annonçait sans doute rien de bon. Il fut prit d’un spasme, se craquant peu gracieusement le cou.

- Par contre, je n’ai jamais touché à ce chat. Quelqu’un d’autre s’en est chargé à ma place.

Il laissa échapper un rictus un peu moqueur, à l’intention du mécanicien qui était resté à distance du déplaisant visiteur. Le message que sous-entendait l’entité était maintenant clair. Cet être enchaînait machination par-dessus machination, cherchant à mettre dans l’embarras son souffre-douleur. Matthias fronça les sourcils, frustré et dégouté. Si ce qu’Erick disait était bel et bien vrai, celui qui aurait abattu Gilbert – le chat de sa voisine – était le jeune Hawkins. Évidemment, Erick y était évidemment pour quelques choses.

-Ne fait pas cette tête, tu détestais cette bête!

Cette fois, Erick affichait un air plein de frustration à l’égard du jeune homme qui ne lui semblait pas reconnaissant. Une attitude qui força Matthias à ne pas en rajouter sur le sujet. Celui-ci savait pertinemment de quoi il était capable; on ne pouvait discuter normalement avec ce suppôt de Satan. Pourtant il se ravisa rapidement, alors qu’une question lui vint en tête.

-Et tu aurais certainement voulu que je m’acharne sur Melinda comme je l’ai fait sur ce chat?

Le medium avait très bien senti l’emprise que McKay tentait d’avoir sur lui lors de cette étrange journée. Ces intentions étaient hostile, mais cette fois, Matthias avait su l’en empêcher - du moins, c'est ce qu'il croyait. Cette réplique ne semblait pas plaire à son interlocuteur, alors que son sombre regard se planta dans celui du solitaire. La lumière de la lampe semblait vouloir faillir au moment où Erick apparu derrière le jeune anxieux. Dans un souffle inquiétant et haineux, l’entité s’adressa à son souffre-douleur.
-Je pourrais faire de toi ce qui me plairait avant même que tu ne puisses réagir. Dit toi que cette journée là, je ne faisais que m’amuser. Suite à cette phrase, Matthias fut pris d’un malaise; chose qui confirmait sans doute les dires du mauvais esprit. Tout le monde s’amuse comme il le peut, et toi tu es une ressource inépuisable de distractions. Tout juste hier tu pleurnichais encore à propos de Sarah; et c’est sans parler de la tête que tu as fait en croisant cette fille. Ta p*tain de Sarah t’a laissé tombé, il serait peut-être temps que tu t’y fasses.

Plus l’entité parlait, plus sa rage se faisait sentir et plus le medium défaillait. Depuis son arrivé, McKay arrachait l’énergie du jeune Hawkins. L’ampoule qui faiblissait, un peu plus tôt, rendit finalement l’âme dans un éclat, éparpillant le verre tranchant sur le planché. En plus de prendre de sa vitalité, l’esprit attaquait le medium sur des sujets sensibles et douloureux, amplifiant le mal être de Matthias. Le meurtrier en prenait un malin plaisir, mais il était bel et bien conscient qu’il ne pouvait trop abuser de la situation. C’est pourquoi il arrêta de s’y acharner au moment ou les jambes de son comparse lâchèrent sous la « menace ». Le fantôme du condamné allait répliquer d’une dernière phrase acide, suite à tout ce grabuge, mais il fut interrompu alors que quelqu’un frappa à la porte.

Kath’ détestait ça. Elle détestait se réveiller en pleine nuit avec l’horrible sensation de sortir à nouveau de son coma. Parce que tout cela n’avait pas été agréable, oh non. Elle détestait se réveiller après avoir rêvé de son frère, de sa tête écrasée contre la vitre de leur petite camionnette, gisant à côté d’elle, qui finalement, n’avait pas eu grand-chose. Elle détestait ça, c’était certain. Pourtant, elle savait qu’elle n’allait pas pouvoir retrouver le sommeil avant que le soleil ne pointe son nez, mais évidemment, elle avait d’autres choses à faire que traînasser au lit toute la matinée pour tenter de rattraper sa nuit. Non, elle n’avait pas cours, mais elle pourrait toujours faire quelques heures supplémentaires au café, histoire de gagner quelques dollars en plus, ou alors travailler ses cours, à la bibliothèque ou chez elle… Mais rien de tout cela ne la tentait à vrai dire, trop apathique après ce qu’elle avait pu voir dans ce songe morbide. Ces images étaient certainement les seules qui pouvaient réellement la tirer de son sommeil plutôt lourd, celles de son frère mourant. Mais que faire maintenant? Attendre et tenter de se rendormir? Lire? Faire un peu de cuisine? Hm… non. La jeune femme avait envie de bouger, et même s’il était encore très tôt, dans les 4H00 du matin, elle avait envie d’aller courir. Cela lui arrivait plutôt rarement, elle n’était pas forcément une très grande sportive, mais depuis qu’elle était sortie de son coma, elle allait courir de temps en temps, elle avait pris l’habitude des efforts plus intenses à cause de son travail de récupération avec la kinésithérapeute… Même si rien n’avait été vraiment obligatoire tant elle était en bonne forme lorsqu’elle s’était réveillée… Etrange n’est-ce pas? Elle était pourtant restée des mois sans bouger dans ce lit blanc et froid, dans cette chambre aseptisée et franchement désagréable. A vrai dire, elle n’avait pas cherché à savoir ce qui s’était passé, le pourquoi du comment de cet état physique étrange. Il fallait bien avouer qu’on lui avait expliqué que son frère était mort, et elle commençait à voir et ressentir des choses étranges…

Se levant enfin, la jeune femme passa rapidement sous la douche. Froide, bien sûr, sinon elle n’aurait jamais pu finir de se réveiller entièrement. Ce n’était certes pas agréable, mais tant pis, elle en prendrait une bien chaude en rentrant de sa petite course. Tout cela ne fut donc pas bien long, car une quinzaine de minutes plus tard, la jeune femme était en train de descendre ses escaliers d’un pas léger, portant un short de sport, un débardeur, une veste passée autour de sa taille au cas où. Evidemment ,une fois arrivée dans la rue, elle put voir qu’il n’y avait absolument personne. Un chat passa devant elle, l’observant bizarrement. Katherine soupira, commençant à courir d’un pas régulier. Elle ne savait pas réellement quel itinéraire elle allait emprunter. La ville n’était pas non plus immense, si elle avait à New-York, elle aurait pu aller faire un tour dans Central Park, mais elle était bien loin de la grande pomme, et ce n’était peut-être pas plus mal. Finalement, Kath’ avait eu raison de partir courir, c’était certainement la seule chose qui pouvait lui sortir ce cauchemar morbide de la tête .Mais c’était aussi dans ces moments là qu’elle prenait pleinement conscience de ce qu’elle craignait et de ce qu’elle attendait à la fois. A tout moment, elle s’attendait à voir son frère apparaître, de manière floue, évidemment, mais elle était certaine que lui, elle pourrait le reconnaître quoi qu’il arrive. Enfin, elle l’espérait, et en même temps elle avait très peur de ce qui pourrait arriver. Peut-être Lucas lui en voudrait-il terriblement, peut-être aurait-il de mauvaises intentions ou… Ou elle ne savait quoi. Mais qu’est-ce qui était mieux, rester dans cette attente, ce moment désagréable de crainte ou se retrouver réellement face à lui? Elle ne savait pas.

Moins d’une heure passa avant que la jeune femme ne soit rattrapée par la fatigue. Capitulant enfin, elle se mit à marcher, une main posée sur son flanc, un point de côté l’ayant pris finalement. Reprenant son souffle, elle marcha d’un bon pas tout de même. A vrai dire, elle n’avait pas quitté la ville, étant même revenue vers le centre, au niveau du quartier résidentiel. Hmm, elle pourrait rentrer chez elle ,évidemment, mais elle n’en avait pas vraiment envie. Levant le nez vers la fenêtre qu’elle connaissait le mieux, elle put voir que la chambre de Matthias était éclairé. Un de ses seuls amis en ville, un ami qui dormait peu. Pouvait-elle se permettre de le déranger maintenant, ne serait-ce que quelques minutes? A vrai dire elle ne savait même pas pourquoi elle avait envie de monter, de discuter ne serait-ce qu’un peu, ou d’aller prendre un café dans celui qui ouvrirait le plus tôt, enfin, tout ce qui pourrait retarder le retour chez elle, en fait. Bon, allez… La jeune femme grimpa les escaliers, rapidement, après avoir composé le code de l’entrée qu’elle connaissait par cœur depuis quelques temps. C’était ça d’avoir une mémoire aussi longue, même si cela gêne parfois quelques personnes.

« Il est peut-être occupé… »

Maintenant que tu es devant la porte ma belle, c’est un peu tard.

Levant la main, Katherine alla pour taper à la porte, avant d’entendre un bruit éclat, et un bruit sourd. Fronçant les sourcils, elle se demanda ce qui pouvait bien se passer. Ses doigts finirent par heurter la porte, un peu vivement, alors qu’elle s’annonçait :

« Matthias? C’est Katherine. »

Bah ouais, autant prévenir… Une vague étrange lui parvint, une vague d’émotions, mais elle était pour le moment incapable de dire s’il s’agissait de sa propre angoisse ou d’autre chose…

McKay avait, il y a longtemps de cela, déceler la faiblesse du Médium. Depuis cette découverte, l'esprit tordu de celui-ci saisissait toutes les occasions pour lui remettre sous le nez. Comment dire...Le meurtrier se délectait de voir souffrir continuellement son fidèle comparse, à chaque fois que ce nom sacré était prononcé. Un misogyne tel que lui ne pouvait comprendre cette attachement qu’avait Matthias vis-à-vis de sa bien aimée disparue, mais il percevait sans mal la douleur que pouvait éprouver le jeune homme et c’était là tout ce qui l’intéressait. Le cas de Matthias était pathétique…non pire que cela! Pour Erick, le cas du medium était totalement désespérant et il ne se gênait pas à le lui rappeler par le biais de répliques indécentes. Pourtant cette fois, l’esprit fut interrompu avant même d’avoir pu s’adonner à son petit « pêché mignon ». À la porte, quelqu’un venait de frapper – interrompant les bassesses du visiteur. Aussitôt, le regard sombre de l’entité glissa vers le couloir menant à la porte d’entrée. Les traits crispés de McKay dessinèrent un sourire mesquin sur ses lèvres craquelés et bleuté. À ce même instant, le meurtrier fut pris une seconde fois de son tic disgracieux et répugnant, alors qu’il se craqua à nouveau les os. La personne se trouvant à l’extérieur venait de se présenter et McKay s’en réjouissait déjà. Il prit une grande respiration, faisant mine d’humer l’air ambiante.

- Hmm…Tu sens ce parfum?

Dit-il d’un ton moqueur à l’intention du medium qui reprenait tout doucement ses repères.
Matthias était toujours à genoux au sol, toujours prit d’incroyables vertiges. L’acharnement du mauvais esprit à son égare, tant au niveau de l’énergie qu’il lui arrachait qu’au niveau de ses remarque au sujet de Sarah, venait vite à bout de lui. Il avait porté ses mains à sa tête, comme si cela pouvait l’aider à se remettre de ses émotions, mais c’est la voix de Katherine qui le tira de son anéantissement psychologique. Le mécanicien leva doucement la tête, sceptique à l’idée que la jeune femme se trouvait derrière la porte. Le fantôme du misogyne jouait-il encore avec l’esprit du solitaire? À cette idée, Matthias porta son regard sur Erick – presque instinctivement. Il discerna sans mal le sourire pervers qu’affichait à présent le meurtrier. Son « tortionnaire » savait comment provoquer des réactions chez le jeune Hawkins. De simples insinuations sur ses intentions suffisaient à faire pâlir son hôte.

-Peut-être devrais-je aller m’en occuper. Tu semble indisposer à le faire toi-même.

Dit-il dans un souffle qui paraissait pénible, avant de doucement disparaitre dans l’ombre environnante. L’esprit du condamné n’était pas loin et ses projets concernant Katherine…il valait mieux ne pas trop y penser. Matthias connaissait suffisamment le criminel pour savoir qu’il avait matière à être inquiet. Erick s’avait ce qu’il faisait et il se complaisait dans le malheur des autres – qui sait jusqu’où il pouvait aller. Dans un élan, il tenta de se redresser, un exercice qui ne semblait pas évident après le passage de l’entité. Il devait puiser dans le peu d’énergie qu’il lui restait, espérant arriver à l’entrée avant que McKay ne tente quoique se soit. Il avait prit appui sur le lit, se levant enfin sur ses deux pieds. Chancelant, il parcouru le corridor jusqu’au seuil de la porte qu’il déverrouilla maladroitement et ouvrit à la jeune femme. Il n’ouvrit pas complètement le battant sur lequel il s’appuyait, mais suffisamment pour dévoiler sa mauvaise mine à la jeune femme. La sueur perlait sur son front, son teint était livide et son regard était légèrement absent. Le medium avait regardé rapidement aux alentours, avant de poser un furtif regard sur la jeune Helwood.

-Qu’est-ce que tu fais là?

Dit-il d’un ton brusque et énerver.
Il n’avait pas l’intention d’être aussi froid à l’égare de Katherine, mais les circonstances l’avaient poussés à l’être. Déjà qu’il avait ce psychopathe sur le dos et maintenant il devait composer avec l’arrivé de la jeune femme. Anxieux, il ne pouvait qu’espérer que McKay abandonne l’idée de s’immiscer entre eux. Mais la manière dont-il avait abordé le sujet de Katherine laissait peu de place à cet espoir. Elle venait de s’offrir sur un plateau d’argent, au grand malheur du mécanicien qui paniquait déjà intérieurement.

Katherine se demandait ce qui lui passait par la tête parfois. D’autres auraient simplement pris un bouquin pour finir la nuit, ou du moins attendre le levé du soleil, mais non, elle, elle s’était changée et elle était partie courir. Il faisait encore bien sombre, peut-être à cause de la saison, ou tout simplement n’avait-elle pas fait attention au changement de luminosité. Kath’ avait autre chose en tête, un rêve horrible, un rêve sanglant qui ne quittait jamais réellement son esprit, même quand elle croyait que tout était fini. Le rêve d’un accident de voiture, de la mort d’un être cher, le rêve d’une vie, voire plusieurs, foutues en l’air et tout ça par sa faute. Car au fond, c’Est-ce qu’elle pensait, elle avait toujours pensé que cela avait été sa faute. Elle s’était longtemps demandée pourquoi elle s’en était sortie, elle, et pourquoi son frère était mort. Pourquoi elle avait eu le droit de vivre, alors qu’on lui avait arraché Lucas, la seule personne dont elle était réellement proche. Après, tout ce n’était pas ses parents qui avaient été d’un grand secours lorsqu’elle était sortie du coma… Et puis il y avait toutes ces apparitions flous qui lui soufflaient des choses, qui l’effrayaient encore plus qu’autre chose… Elle ne savait pas faire comme si de rien n’était, faire abstraction de ces entités qui apparaissaient à tout moment dans sa vie de tous les jours… De sinistres inconnus, jamais des proches ne lui étaient apparu… Et encore, elle ne savait même pas si elle aurait été capable de les reconnaître. Peut-être n’en avait-elle pas particulièrement envie…

Et en courant, elle pensait pouvoir oublier. Elle pensait pouvoir mettre de côtés tout ce qui s’était passé, et tout ce qui lui était revenu pendant la nuit. Mais c’était un espoir vain, et au fond, ça aussi elle le savait. Elle savait qu’elle serait toujours hantée par la mort de son frère, et encore plus, elle serait hantée par l’idée qu’il lui apparaisse. Elle pensée pouvoir le reconnaître, mais si elle n’y arrivait pas? Si Lucas disparaissait sans qu’elle ne se rende compte que c’était lui? D’ailleurs, s’il lui apparaissait, c’est que quelques chose n’allait pas non? Toutes ces apparitions… Katherine était aussi douée d’une empathie vraiment très forte et déstabilisante. Elle avait pris à faire la différence entre ses sentiments et ceux des autres, mais elle sentait bien que tous ces… Fantômes n’étaient pas en paix, que quelque chose n’allait pas, que certaines étaient menaçants ou voulaient du mal à quelqu’un… ais il en allait de même pour les humains, et Katherine était encore obligée de beaucoup travailler pour réussir à mettre de côté les sentiments des autres pour se concentrer un minimum sur les siens… Déjà que ce n’était pas dans ses habitudes…

C’est après cette longue course que la jeune femme se retrouva devant l’immeuble de Matthias. Elle savait qu’il dormait mal, voire pas du tout. Et aujourd’hui encore, sa lumière était allumée. Sans vraiment réfléchir, elle grimpa jusqu’à son étage et vint taper à la porte. Elle se demandait ce qu’elle allait bien pouvoir lui dire… Mais elle n’eut pas vraiment le temps de trouver une réponse que la porte s’ouvrait sur un Matthias livide et apparemment… Enervé. Les sentiments du mécanicien frappèrent la jeune femme de plein fouet et c’était physiquement douloureux. Elle fit d’ailleurs un pas en arrière, déséquilibrée, prise d’un vertige, et presque d’une envie de vomir. Elle leva ses yeux bleus, presque aussi durs que les siens sur le coup, vers lui. Ces sentiments ne lui appartenaient pas, mais elle ne s’était pas préparée à les recevoir de plein fouet comme ça, à se sentir tout à coup si… vidée.

« D’après toi? Tu crois que je t’apporte ton courrier? »

Sa voix était dure, trop dure, cela ne lui ressemblait pas… Katherine eut un frisson et passa une main exaspérée sur son visage, soupirant en tendant de se calmer, sentant autre chose encore lui parvenir. Il n’était pas seul? Du moins elle avait cette impression…

« Excuse moi. »

C’est tout ce qu’elle fut en mesure de dire. Après tout, Matthias était au courant de ses dons, elle n’allait pas s’étendre dessus à chaque fois qu’elle assimilait ses sentiments aux siens sous l’effet de la surprise. Elle déglutit avant de reposer ses yeux, moins froids et plus… Fatigués sur lui.

« J’ai vu de la lumière alors je suis montée… Mais qu’est-ce qui se passe bon sang? »

La jeune femme avait passé ses bras autour d’elle, s’agrippant légèrement à sa veste pour se remettre et pour tenter de lutter contre les émotions de Matthias. C’était toujours assez difficile en sa présence, du moins au début… Elle sentait tout un mélange de sentiments… Donc beaucoup qu’elle n’était pas en mesure d’expliquer car au fond, elle ne connaissait pas grand-chose de lui. Mais le fait qu’elle soit en mesure de sentir ce qu’il ressentait lui-même était quelque chose d’à la fois désagréable, très désagréable, et presque avantageux parfois… Elle n’avait pas besoin de lui demander toujours si ça allait ou non… Mais là, là c’était différent. Vraiment.

Matthias tenait la vieille poignée bosselée de la porte d’entrée, d’une main moite et tremblante. Il appréhendait énormément la réaction de la mauvaise entité qui jouissait de le voir aussi désemparée. Il regardait le plafond, comme si il allait leur tomber sur la tête – les murs, comme si ils allaient s’abattre sur eux et puis Katherine… Cette jeune femme était sans équivoque, la seule personne que Matthias avait laissé approcher depuis une éternité. Elle lui rappelait tant de chose, des souvenirs qu’il croyait, jusque là, perdu – des sentiments qu’il ne croyait plus revivre. Il se sentait si proche d’elle, le troublant lui et ses émotions qu’il exprimait si difficilement. Elle était l’espoir de retrouver son bien-être d’antan qui s’était évaporé lorsque sa douce l’avait laissé à lui-même. Sarah lui manquait tant, mais la présence de la médium le soulageait et le torturait à la fois, mais c’était un mal qu’il était prêt à supporter pour retrouver son amour. Cependant, Katherine était la dernière personne qu’il avait envie de voir devant sa porte en ce moment. Les menaces de McKay lui faisaient craindre le pire pour la jeune femme auquel il s’était maintenant attaché d’une bien drôle de manière. Inutile de dire que la réaction qu’elle eu lorsqu’il avait ouvert la porte l’inquiéta davantage. Sur le coup il ne savait pas que penser de la soudaine faiblesse de Katherine. Le psychopathe qui le harcelait était-il derrière tout cela? Sa main se crispa sur la poignée, ouvrant la porte au trois-quarts. Il avait réagit rapidement, avant même de comprendre que l’esprit du misogyne n’y était pour rien. Le jeune Hawkins était nerveux et inquiet, pas besoin d’un don pour s’en apercevoir. Ses mimiques hésitantes, ainsi que ses gestes vifs et tremblants le trahissaient.
Il ignora la réplique acide que la jeune femme lui lança à ce moment. Il n’avait lui-même pas été très délicat, le mieux était encore de rester compréhensif. Il se contenta de baisser les yeux un instant, alors que Katherine enchaina avec des excuses qu’elle n’avait pas besoin de formuler dans ces circonstances.

- Je…

Le jeune mécano bafouilla, cherchant les mots qu’il avait manifestement du mal à prononcer, avant de lâcher un douloureux soupire. Il ne voulait pas la mêler dans ces histoires un peu glauques qui lui causaient tant de problèmes. Il savait pertinemment que c’était ce que recherchait Erick et il ne voulait pas lui faire cette joie. Ce qu’il savait aussi, c’était que le temps jouait contre lui et que l’esprit du meurtrier pouvait se manifester d’un instant à l’autre. Il se força donc à répliquer, suite à un silence qui lui paru extrêmement long. Il releva la tête et dit d’une faible voix, comme si il avait peur que quelqu’un surprenne se qu’il voulait dire.

- J’aimerais beaucoup que tu partes. Quitte l’immeuble…maintenant.

Il avait tenté de paraitre le plus détendu possible, mais cette tentative avait échoué lamentablement. Derrière lui, à quatre ou cinq mètres, une ombre passa lentement. Elle semblait fixer la jeune femme et sa posture rappelait celle d’un prédateur. Sa présence, bien que brève, était à vous glacer le sang. Cette ombre paraissait inhumaine et ce qu’elle laissait présager était terrifiant. Étant de dos, Matthias n’avait pu l’apercevoir, mais il était évident qu’il était au courant de tout ce qui se passait. Dans le couloir, les lampes murale jaunit et passé de mode baissèrent d’intensités. Le bruit du courant électrique s’intensifia anormalement, un signe suffisant pour le jeune Hawkins qui savait que McKay rappliquerait sans l’immédiat. Il n’avait sans doute pas apprécié que son souffre-douleur tente d’éloigner la jeune femme de lui et de ses projets malsains. Il répéta brusquement ses directives, insistant pour que Katherine quitte cet endroit.

- Va-t-en, je t’en pris!

Une force projeta violemment le medium sur le sol de son appartement. Celui-ci s’effondra durement sur le dos, se cognant l’arrière de la tête contre le plancher de bois – par le fait même. Suite à cette soudaine agression, la porte de l’appartement ferma brusquement, à un point tel que le cadrage fissura sous le choc.

La jeune femme s’en voulait de se montrer aussi dure envers Matthias, mais elle ne pouvait pas vraiment lutter pour le moment. Les sentiments de Matthias , lorsqu’elle était avec lui, lui arrivaient assez souvent de plein fouet. Il y en avait beaucoup qu’elle n’arrivait pas à comprendre, mais elle faisait tout de même de son mieux pour les mettre de côté. Cela n’était pas forcément très agréable de savoir que quelqu’un pouvait réellement lire en vous, surtout sans le vouloir réellement. Katherine ne savait absolument rien de cette Sarah, si bien qu’elle ne comprenait pas les sentiments de Matthias lorsqu’il était en sa présence. Il fallait aussi dire que c’était tellement ambigüe et paradoxal qu’elle ne cherchait pas réellement à saisir… Peut-être devrait-elle lui en parler un jour… Mais elle ne savait pas comment aborder le sujet. Comment expliquer à quelqu’un que l’on ressent les mêmes choses que lui ? C’était… C’était tellement étrange. Mais d’un côté, Matthias savait déjà que la jeune femme avait un don, qu’elle était elle aussi médium. Certes, tout n’était pas clair, mais ces esprits étaient bel et bien là, à la déstabiliser à tout moment…
Lorsque la porte s’ouvrit, Kath’ se promit de lui dire, un jour, dans un futur proche même. Elle devait lui donner une explication à ses sautes d’humeurs presque quotidiens, même si tout cela ne faisait absolument pas parti de son caractère, à la base. Et peut-être qu’un jour elle lui expliquerait d’où venait toutes ces visions… Non, ça, ce n’était pas franchement envisageable. On avait bien dit à Katherine que parler lui ferait du bien, mais elle avait toujours fuit la psychologue de l’hôpital, et à qui voulez vous qu’elle puisse parler de tout ça? Pas à ses parents, des amis, ici, elle n’en avait pas vraiment… Non pas qu’elle ne soit pas agréable, après tout elle savait être comme tout le monde, ou du moins paraître comme tout le monde quand il le fallait…

Sans vraiment le vouloir, Kath’ répondit donc de manière assez agressive à celui qui était un peu son seul ami ici. Elle s’excusa, bien évidemment, elle n’était pas le genre à agresser les gens de cette manière, même si elle ne se laissait pas marcher sur les pieds non plus… Katherine fronça les sourcils à la demande de Matthias, mais à vrai dire, elle n’eut pas le temps d’en dire plus, quelque chose d’autre attirant son attention et provoquant une série de longs frissons désagréables sur sa peau, tout le long de son corps. Alors il était là le problème ? La présence de l’esprit, qu’elle n’avait pu distinguer clairement, était terriblement angoissante, effrayante même, et l’étudiante ne put que déglutir tout en perdant totalement l’attention qu’elle avait accordé à Matthias. Elle ne pouvait décemment pas le laisser là avec… Avec cette chose qui rayonnait de haine et de mal… Katherine fut ramenée à la réalité, ou ce qui s’en rapprochait, par la voix de Matthias, et par son agression soudaine. Les yeux de la jeune femme s’écarquillèrent de peur. Oui, c’était de la peur, quoi d’autre?

« Matthias! »

La porte lui claqua au nez, alors que les lumières vacillaient une nouvelle fois. La médium frappa durement à la porte, tentant de l’ouvrir, mais il n’y avait rien à faire. Un claquement la fit sursauter, puis un autre, qui lui parut prés de son oreille. Puis un bruit de pneus dérapant sur le goudron usé, et un silence de mort régna dans le couloir. Katherine tenta de se redresser, s’appuyant à la porte derrière elle pour scruté la semi pénombre du corridor. S’il se passait quelque chose, quelqu’un allait l’entendre n’est-ce pas? L’entité oserait se montrer devant un tiers? Si elle était aussi mauvaise que Katherine le supposait, elle n’hésiterait pas une seconde…

Puis ce fut un vacarme assourdissant qui fit sursauter la jeune femme. Un vacarme qui ne lui était pas inconnu, un bruit intolérable de tôle froissé, de pierres heurtant le métal alors que Katherine se mettait à trembler. Progressivement, ses mains , puis ses jambes faiblir, mais la soutenaient encore. Pour le moment. Elle reconnaissait ce bruit, elle ne pouvait pas l’oublier, c’était impossible, complètement impossible. A nouveau ce silence de mort, au travers duquel Katherine n’arrivait même pas à percevoir sa respiration… Les lumières se rétablirent, éclairant normalement, puis de plus en plus fortement le corridor… Au milieu de celui, devant la jeune femme, se tenait une forme floue, dont une voix s’éleva. Une voix qui fit monter aux yeux de Katherine des larmes de terreur. Et de peine aussi.

« Katherine… Tu m’as tué Katherine. Tu le sais , hein. Que c’est toi qui m’a tué. Tu vas devoir vivre avec ça. Assassiner son propre frère, dis donc… Tu m’as tué, Katherine. »

La voix était dure, froide, mais c’était lui…

« Lucas… »

Un craquement, un bruit d’os brisé s’éleva dans l’air alors que la voix s’amplifiait, remplissant tout l’espace, résonnant d’une manière insupportable aux oreilles de la jeune femme, qui tentait de plaquer ses mains dessus pour se soustraire à ces accusations. La voix criait encore, et encore ce « Tu m’as tué Katherine ». De plus en plus fort, si bien que la jeune femme tomba à genoux en lui hurlant d’arrêter. D’arrêter de la torturer… Elle était incapable de savoir s’il s’agissait vraiment de son frère ou non. Avec un rire mauvais, Erick se volatilisa. Il ne devait pas être bien loin, mais il avait réussi à anéantir moralement l’étudiante. Elle était là, à genoux sur le sol, prostrée, tétanisée. Absente.

Un son mât raisonna dans sa tête, alors que la douleur se propagea peu de temps après qu’il fût projeté au sol. Aussitôt, il perdit l’acuité de ses sens, se laissant envahir pas l’état comateux que prenait tout doucement le dessus. Sa vue était brouillé, ne distinguant que les contours imparfaits des formes et les couleurs - Son ouïe était percé par un cillement strident et il devinait que son sens de l’équilibre était tombé à néant, tant il était prit de vertiges. Matthias combattait le voile noir qui le mènerait à l’inconscience, car bien que sonné, il n’oublia pas les menaces de McKay. Son agression n’avait fait que confirmer ses inquiétudes. Le message de l’entité avait le mérite d’être clair; Erick ne voulait pas que le jeune homme s’interpose entre lui et Katherine. Matthias avait de quoi angoisser et c’est justement de son désir d’éloigner ce maniaque de sa douce fascination, qu’il trouvait la force de résister à ce sommeil nauséeux. Plongé dans la pénombre, une vois sinistre qu’il connaissait trop bien déchira le silence.

« Tu est tellement naïf. Qu’est-ce que tu espérais faire? »

Le jeune Hawkins cherchait des yeux la provenance de la voix, arrivant à distinguer une masse sombre se tenant debout à ses pieds. Sa réaction avait été lente, témoignant de sa difficulté à se remettre du choc. Puis des coups à la porte attira son attention; Katherine. Pourquoi n’était-elle pas partie? La crainte devait se lire dans son regard, car McKay eu un rictus en dévisageant son souffre-douleur. Il essaya de se retourner pour prendre appui sur le sol et ainsi se relever. La tâche fut plus pénible qu’il n’y paraissait. À peine s’était-il mit à genoux qu’il ressentait le besoin de se laisser tomber à nouveau. Il dû chercher une force surhumaine pour ne pas flancher sous cette agression. Il savait pertinemment qu’il n’y arriverait pas avant qu’Erick fasse encore des siennes.

« Continue de ramper comme un chien et pendant dans ce temps pose toi la question; qui essais-tu de protéger? Elle ou Sarah? » Il marqua une pause et reprit la parole sur un ton tout aussi lugubre. « Tu finira par me remercier ...»

Le médium prit une bonne inspiration. L’esprit tourmenteur n’était plus auprès de lui. Il chassa les dernières paroles du misogyne de sa tête. Il ne voulait pas se faire berner par les questionnements qu’on désirait ancrer dans son esprit. Après-tout, ces questions n’avaient peut-être pour but que de le faire hésiter et qu’il en oubli de mettre fin à cette mascarade. D’une main tremblante, le jeune homme prit appui sur le mur pour prendre un élan éventuel. Il fallait pourtant qu’il passe par-delà ses maux qu’il l’accablait, sans quoi il n’y parviendrait jamais – Puis, un hurlement…
C’était comme recevoir un bon coup dans l’estomac, le genre de coup qui vous coupe le souffle brutalement. Son cœur fit un bond – saisit par les supplications de la jeune femme. Il ne lui en fallait pas davantage pour trouver son second souffle; se redressant sur ses deux pieds plus vite qu’il ne s’en serait cru capable. Il se concentra le plus possible pour ignorer ses forts étourdissements, longeant le mur de l’étroit couloir. Chacun de ses pas était chancelant, pénible, un risque de plus de se retrouver face contre terre. Une autre bonne inspiration, un autre pas…Il atteint miraculeusement la porte, mais impossible de l’ouvrir. Matthias se rua contre celle-ci, essayant de la défoncer à grand coups, mais même avec sa volonté à briser cet obstacle, rien ne bougeait. Épuisé et désemparé, le mécanicien ne lâcha pas prise.

« Erick, je te jure que si tu lui fais le moindre mal…! »

Qu’allait-il faire? Il n’avait aucun pouvoir contre lui. Cette menace ne ferait ni-chaud ni-froid à McKay, mais si cela pouvait détourner son attention ne serais-ce qu’un instant, ce serait toujours une bonne chose d’accomplit. Néanmoins, un déclic se fit entendre et la porte s’entre-ouvrit comme par magie. Le médium ne se posa pas de question; ouvrit la porte rapidement et se précipita auprès de la jeune femme à sa hauteur.

« Tu vas-bien? Tu n’as rien? »

Ses yeux firent le tour des environs, constatant qu’il n’y avait rien d’anormal et qu’Erick n’était pas présent. Il reporta ensuite son regard sur Katherine qui avait été sérieusement affecté par le phénomène provoqué par l’esprit du meurtrier. Elle ne présentait aucune marque de violence, ce qui le rassura un peu, mais elle ne s’en portait pas mieux pour autant. McKay savait où faire mal, Matthias était bien placé pour le savoir & justement, le condamné avait frappé dans le mile en commençant à s’en prendre à Katherine, celle qui avait éveillé des sentiments que le medium croyait enfouis depuis une éternité.

« Katherine, regarde moi, je t’en pris. »

» ~Katherine Helwood